mercredi 28 novembre 2012

Communion Eucharistique

"Je vais communier. Le prêtre a prononcé les paroles terribles que la piété charnelle dit consolantes : DOMINE, NON SUM DIGNUS... Jésus va venir et je n'ai qu'une minute pour me préparer à Le recevoir... Dans une minute, Il sera sous mon toit.
Je ne me souviens pas avoir balayé cette demeure où Il va pénétrer comme un roi ou comme un voleur, car je ne sais que penser de cette visite. L'ai-je même jamais balayée, ma demeure d’impudicité et de carnage?
J'y jette un regard, un pauvre regard d'épouvante, et je la vois pleine de poussière et pleine d'ordures. Il y a partout comme une odeur de putréfaction et d'immondices.
Je n'ose regarder dans les coins sombres. Aux endroits les moins obscurs, j'aperçois d'horribles taches, anciennes ou récentes, qui me rappellent que j'ai massacré des innocents, en quel nombre et avec quelle cruauté!
Mes murs sont pleins de vermine et tout ruisselants de gouttes froides qui me font penser aux larmes de tant de malheureux qui m'implorèrent en vain, hier, avant-hier, il y a dix ans, il y a vingt ans, il y a quarante ans...
Et tenez! , au-devant de cette porte pâle, quel est ce monstre, accroupi que je n'avais pas remarqué jusqu'ici et qui ressemble à celui que j'ai quelque fois entrevu dans mon miroir? Il paraît dormir sur cette trappe de bronze scellée par moi et cadenassée avec tant de soin pour ne pas entendre la clameur des morts et leur Miserere lamentable.
Ah! Il faut être vraiment Dieu pour ne pas craindre d'entrer dans une telle maison!
Et Le voici! Quelle sera mon attitude, et que vais-je dire ou faire?
Absolument rien.
Avant même qu'Il ait franchi mon seuil, j'aurai cessé de penser à Lui, je n'y serai plus, j'aurai disparu, je ne sais comment, je serai infiniment loin, parmi les images des créatures.
Il sera seul et nettoiera Lui-même la maison, aidé de Sa mère dont je prétends être l'esclave et qui est, en réalité, mon humble servante.
Quand Ils seront partis, l'Un et l'Autre, pour visiter d'autres cavernes, je reviendrai et j'apporterai d'autres ordures."

(Journal de Léon Bloy, II, Novembre 1912)

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